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the men machine

4 août 2011

Un mauvais souvenir

Si vous n'avez pas eu 15 ans en 1980, vous ne pouvez pas comprendre. En 1980 donc, alors que John Lennon respirait encore pour peu de temps l'air vicié de New York, votre serviteur se morfondait dans un collège de la France profonde. Les sacs US étaient à la mode. Et il était de rigueur de graffer au marker le nom de son groupe préféré. 90 % de mes camarades y inscrivaient : AC/DC. Moi pas. Depuis 2 ans, je me prenais de passion pour l'electro pop naissante. D'abord via Jean-Michel Jarre (l'homme qui a dédramatisé le synthé, tout de même) et son bel album Equinoxe, puis Kraftwerk, dont la pochette noire de Radioactivity m'attirait inexorablement. J'avais fini par l'acheter en 1979. Puis mon argent de poche a servi à l'achat de Trans Europ Express, Autobahn et The Men Machine.

Quand notre prof de musique nous a imposé, à chacun, de faire un exposé sur notre groupe préféré, j'avais tout naturellement choisi... Kraftwerk. J'adorais le son cristallin de leur musique (les solos de The Model et The Hall Of Mirrors), leur lyrisme futuriste (Kometenmelodie II, Spacelab), leur poésie inattendue (Neon Light, Ohm Sweet Ohm). Se lever chaque matin pour se rendre au collège était pénible pour moi. Il me fallait d'abord écouter Spacelab. Ainsi, chaque soir, je veillais à ce que le vinyl rouge de The Men Machine soit posé sur la platine de ma chaîne stéréo. Tout naturellement, je choisissais d'en faire profiter mes camarades...

Le jour de mon exposé, je me retrouvais donc devant une vingtaine de fans d'AC/DC un jour de 1980, mes vinyls de Kraftwerk et moi, essayant de leur faire comprendre ce qu'il y avait de beau, de magique et d'unique dans cette musique. Un grand moment de solitude, comme vous pouvez l'imaginer. Je réalisais soudain qu'il y avait un monde entre eux et moi. Je ne détestais pas AC/DC, mais pour moi, Kraftwerk représentait le futur. Ce soir-là, je fis une chute de vélo en plein centre-ville alors que je rentrais chez moi. Lorsque je me relevais, mes albums de Kraftwerk étaient éparpillés autour de moi, au milieu du trafic... Rassurez-vous, aucun vinyl n'a été rayé.

John Lennon (The Walrus) est mort quelques semaines plus tard. Moebius et Jodorowsky démarraient la publication de leur Incal dans le numéro de décembre de Metal Hurlant. Quoi d'autre en 1980 ? Les Buggles ont publié au printemps The Age Of Plastic, leur seul album réellement écoutable. Paul McCartney a publié son seul album réellement inécoutable (McCartney II). Les Talking Heads ont rencontré Brian Eno sur Remain In Light. Klaus Schulze a publié Dig It, premier album enregistré digitalement. Et on se demande bien à quoi ça pouvait servir vu que les CD n'avaient pas encore été inventés (du moins on n'en trouvait pas encore dans le commerce). Peter Gabriel a publié son troisième album solo s'ouvrant par le fantastique Intruder. Et Kate Bush a publié son meilleur album à ce jour (Never For Ever).

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